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Analyser des illustrations pour mieux interpréter un texte

Cette activité vise à proposer aux élèves de lire les illustrations d’un épisode du conte Le Petit Poucet et à approfondir en retour leur interprétation du texte.

Entrée du programme: Le monstre, aux limites de l’humain  

Présentation de l’activité

Les élèves découvrent deux illustrations de l’ogre qui ont été réalisées pour le conte Le Petit Poucet. Le professeur leur demande de choisir individuellement celle qu’ils retiendraient pour illustrer l’épisode qui se déroule dans la maison de l’ogre.


À l’oral, les élèves sont conduits à préciser leurs choix tout en les justifiant. Ils sont ainsi amenés à décrire les images mais aussi à mettre au jour les significations « intrinsèques » de chacune d’elles en les confrontant. Des liens sont établis entre les images et le texte étudié pour lever des ambiguïtés concernant les illustrations mais aussi et surtout pour enrichir l’analyse du conte.

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Présentation de la démarche

Étape 1 : Les élèves, en posture d’observateurs, découvrent les deux représentations de l’ogre du Petit Poucet. Le conte, jusqu’au passage dans la maison de l’ogre, a donné lieu à des lectures analytiques. Il est alors demandé aux élèves de choisir individuellement l’image qu’ils choisiraient pour illustrer l’extrait dans la maison de l’ogre et de justifier leur réponse.
Le choix des élèves se porte majoritairement sur la gravure de Gustave Doré. Ils expliquent que l’ogre est effrayant alors que, sur l’autre image, l’ogre est « juste un homme » qui ne peut donc pas être assimilé à un ogre. Cela nous conforte dans l’idée que les élèves ont à priori une lecture très stéréotypique de l’ogre, ce qui peut les empêcher de saisir l’ambiguïté et la complexité du personnage et donc la richesse du texte. Certains avancent même l’hypothèse qu’il s’agit, dans l’illustration de l’imagerie de Metz, du père de Poucet.

 

Étape 2 : Lecture et confrontation des images en interaction avec le passage du conte qui se déroule dans la maison de l’ogre.

 

  1. Illustration de Gustave Doré.

Les élèves n’ont pas de mal à faire des inférences, à identifier le passage précis du texte puisque l’illustration est redondante :

« En disant ces mots, il coupa sans balancer la gorge à ses sept filles. Fort content de cette expédition, il alla se recoucher auprès de sa femme ».
Conformément à l’imagination populaire, l’ogre est un géant terrifiant qui se nourrit de chair fraîche. Le cadrage en plan rapproché contribue en effet à le rendre imposant et menaçant pour l’observateur. Ses yeux exorbités et ses veines saillantes suggèrent force et tension extrêmes. Le couteau de boucher achève d’en faire un personnage dangereux. Rappelons qu’il s’était exclamé en voyant les sept garçons :

« Voilà du gibier qui me vient bien à propos ! »

C’est bien le côté barbare et bestial qui ressort de cette illustration et qui fait de l’ogre un monstre.

La confrontation avec l’autre illustration est propice à susciter le questionnement suivant : l’ogre, qui est monstrueux, peut-il être cet homme qui a l’air civilisé ?

 

  1. Imagerie de Metz.

Les élèves trouvent que le personnage n’a pas la taille d’un ogre, qu’il n’est ni laid ni effrayant, qu’il est trop bien habillé. Or, aucune description de Perrault ne dit qu’il est de taille supérieure à celle des hommes ni même qu’il est repoussant. Seules ses filles sont décrites physiquement. Il s’agit alors d’amener les élèves à s’interroger sur ce qui, dans le texte, fait du personnage un monstre plus « humain » qu’un animal sauvage.
L’ogre est un être sociable qui veut partager son festin avec ses amis, il fait figure d’un bon père qui habille ses filles comme des princesses. Il a un mode de vie civilisé : il vit dans une maison isolée mais bien équipée, il tue des enfants tel un animal sauvage mais il a l’intention de les déguster en homme civilisé avec « une bonne sauce. »

La lecture des deux images, en interaction avec le texte, fait évoluer la représentation que les élèves ont de l’ogre et ajoute à l’interprétation. Les élèves perçoivent mieux l’ambivalence du personnage : l’ogre est un monstre mais à la limite de l’humain.

 

Étape 3 : Relecture du début du conte suite à la lecture « erronée » de l’illustration (imagerie de Metz)

 

La lecture de l’illustration (imagerie de Metz) avait fait naître une discussion sur l’identité du personnage. Plusieurs avaient suggéré qu’il pouvait s’agir du père de Poucet. Cette lecture de l’image est exploitée pour mieux comprendre le début du conte. On fait appel à la mémoire de lecteurs des élèves pour qu’ils s’interrogent sur la confusion entre l’ogre et le père du Petit Poucet.

Les analogies entre le père de Poucet et l’ogre, cet homme sauvage qui mange les petits enfants et qui semble d’abord bien éloigné de lui, sont mises en évidence. Leur situation est en miroir : le bûcheron a sept garçons, l’ogre sept filles ; tous deux sont défaillants dans leur fonction de père : l’un ne peut nourrir ses enfants et les abandonne, l’autre dévore ses propres filles. Qu’est-ce qui est le plus monstrueux : satisfaire ses besoins primaires (manger de la chair fraîche) ou livrer ses enfants aux loups ? Si l’ogre est un monstre à la limite de l’humain, par contamination, le père ne serait-il pas un homme aux limites du monstrueux ?

 

Conclusion :

La confrontation des illustrations entre elles et avec le texte a permis de mettre au jour la complexité des personnages, à la fois rassurants et inquiétants, fascinants et effrayants. Le va-et-vient entre participation à l’histoire et distanciation par la lecture d’images favorise l’appropriation du texte, ouvre les interprétations.