Stanislas Kuttner-Homs, IA-IPR de Lettres, interroge l’œuvre Sido, de Colette, à la lumière de la présence des Anciens.
Interroger Sido à la lumière de la présence des Anciens relève de prime abord de la gageure. En effet, Colette, grande lettrée, laisse peu de place dans ses œuvres à l’Antiquité grecque et romaine, au point qu’elle semble faire suite au vers d’Apollinaire, « à la fin tu es las de ce monde ancien ». Si nous ouvrons le premier chapitre de Sido, ce n’est pas l’Antiquité que nous voyons, mais la Belle Époque :
« Te voilà bien fière, mon pauvre Minet-Chéri, parce que tu habites Paris depuis ton mariage. Je ne peux m’empêcher de rire en constatant combien tous les Parisiens sont fiers d’habiter Paris, les vrais parce qu’ils assimilent cela à un titre nobiliaire, les faux parce qu’ils s’imaginent avoir monté en grade ».
On dirait du Balzac. Mais chez Balzac – qu’admiraient tant les Colette, père et fille –, l’Antiquité resurgit par un interstice du texte ou un autre, au moins de manière ironique si l’on songe au titre du Cabinet des Antiques ou à la description de la boutique de l’antiquaire au début de La Peau de Chagrin ; chez Zola, Maupassant, Stendhal, pour ne rien dire d’Hugo, Rimbaud et Baudelaire, les Anciens nourrissent l’écriture et l’imaginaire. Corneille, que Colette lisait en cachette à la messe, en dissimulant ses tragédies sous la couverture d’un missel, a donné le souffle du Grand Siècle à la matière antique.
Pour interpréter cette absence de l’Antiquité, les pistes sont nombreuses, quoiqu’elles ne semblent pas avoir occupé la critique. On pourra suggérer que, à l’inverse de ses camarades masculins, Colette n’a pas été en pension suivre un programme scolaire où le latin et le grec tenaient la place majeure. Elle a appris les Lettres auprès de ses parents, notamment de son père. On pourra supposer que Colette s’en est toujours tenue à cette maxime sienne selon laquelle il ne faut pas décrire mais observer. Colette prolonge en ce sens la veine réaliste et la dépouille, en particulier dans Sido, de tout ce qui peut sembler un décorum un peu encombrant pour dire la vérité de la Nature et des sentiments.
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Image d’illustration : Portrait de Colette, vers 1896, par Ferdinand Humbert