1. Eléments de définition.
Le dilemme moral propose deux issues à l’élève sans que l’une ou l’autre ne soit bonne ou juste a priori. Il s’agit donc d’une situation dans laquelle plane une ambiguïté sur le devoir à accomplir : un choix est à faire, il est inévitable, mais on est dans l’incertitude quant à ce que l’on DOIT faire.
Cela peut se produire notamment lorsque deux obligations sont en concurrence. Il y a une alternative entre deux actions que l’on ne peut pas entreprendre simultanément, l’accomplissement de l’une incluant automatiquement le non-accomplissement de l’autre.
EXEMPLES :
• Au livre I de la République, Platon se demande s’il est légitime de rendre une arme prêtée à son propriétaire, si entre-temps celui-ci est devenu fou. Il s’agit ici d’un dilemme soluble, l’une des obligations l’emportant sur l’autre.
• Sartre, dans l’Existentialisme est un humanisme, raconte le cas de l’un de ses étudiants au début de la Seconde guerre mondiale. Ce dernier doit choisir entre rester à Paris pour soigner sa mère malade (sachant que sa mère n’a plus que lui, son autre fils étant mort au combat), ou s’engager dans les Forces françaises libres. Ce dilemme est insoluble : ces deux devoirs sont légitimes, universalisables, mais inconciliables.
2. Pourquoi est-il si difficile de trancher ?
La difficulté à résoudre un dilemme moral tient à la pluralité des conceptions morales en présence. Le tableau synthètique associé (►), à l’usage des enseignants, en propose une clé de lecture. L’Ecole se propose de distinguer morales d’autorité et morales de la raison d’une part, et de faire comprendre que la morale républicaine relève d’une construction librement consentie, reposant sur l’autonomie des citoyens.
3. En quoi l’étude d’un dilemme moral est-elle intéressante ?
La fiche Eduscol (►) indique les nombreuses opportunités offertes par le dilemme moral. Elle avance notamment : « l’objectif des dilemmes moraux est de faire croître l’autonomie morale des élèves et de leur apprendre à développer leur capacité à juger par eux-mêmes ». Les éléments mentionnés ici s’inscrivent dans le prolongement de cette ressource sans prétention à l’exhaustivité.
Rappelons tout d’abord que le dilemme moral permet de partir d’une situation concrète et de susciter l’intérêt des élèves.
Aucune solution évidente ne se dégageant, le dilemme moral amène en outre l’élève à faire l’épreuve de la perplexité. Il ne s’agit pas de ne retenir qu’une thèse ou d’arriver facilement à un consensus, mais au contraire, de comprendre que certains sujets ne sont pas susceptibles d’une seule réponse et de saisir la complexité des choix moraux et la responsabilité qui est la nôtre. En ce sens, le dilemme moral favorise le décentrement et l’ouverture d’esprit.
La discussion conduit par ailleurs à expliciter les valeurs qui sont en conflit. Le fait de se sentir perplexe est en effet un premier pas mais cela ne garantit pas qu’on a forcément bien identifié les causes de cette perplexité, d’où l’exigence d’un travail d’analyse. On peut se demander dans le même temps si les obligations en conflit peuvent être hiérarchisées pour tenter de trouver une issue au dilemme, et ainsi favoriser le développement du jugement moral et le sens du devoir des élèves.
Outre le développement des compétences langagières, le dilemme moral permet d’identifier progressivement et d’éviter les écueils du relativisme et du dogmatisme. Il s’agit de dépasser le stade du « chacun son opinion » stérile qui traduit le plus souvent un refus de confronter sa pensée à celle de l’autre et un refus de s’interroger sur les raisons morales des choix effectués. Le dilemme moral amène au contraire les élèves à exprimer leurs positions et à identifier les raisons qui y président, à la recherche des plus justes. Cela implique que l’on est capable d’argumenter sa position, que l’on accepte la réfutation et donc que l’on pense par soi-même et avec les autres (les deux étant indissociables).
Le dilemme moral permet enfin de faire comprendre que la pluralité des conceptions, en démocratie, est non seulement légitime mais également féconde. Les tensions et la perplexité nées de cette diversité est également l’occasion de réfléchir au sens du devoir civique et aux textes sur lesquels se fondent la citoyenneté, restaurant ces derniers comme d’authentiques références.