L’enseignement moral et civique s’est substitué à l’éducation civique et à l’éducation civique juridique et sociale dans les filières où cette dernière existait. Il en renouvelle considérablement les approches et les objectifs, sans pour autant s’inscrire en rupture avec elles. Il importe donc que chacun puisse déterminer ce qui, dans l’expérience acquise, peut être utilement réinvesti et les points essentiels sur lesquels doit porter l’effort de renouvellement.
L’EMC peut utilement profiter des profondes évolutions de l’éducation civique et de l’ECJS, fortement rénovées dans les décennies 1990-2000. L’académie de Rennes (►) a identifié les thèmes de l’EMC provenant de l’EC et la relecture de cet article de M. Alain Bergounioux (►) publié en 2007 rappelle les tendances fortes à l’oeuvre dans ces enseignements depuis de nombreuses années.
Parmi les aspects qu’il est souhaitable de conserver de l’éducation civique / ECJS et d’inscrire effectivement dans les pratiques, on citera tout particulièrement :
- la volonté d’éviter un enseignement abstrait et, par le recours à des études de cas bien choisies, faciliter le passage du concret aux valeurs et aux principes, du particulier à l’universel ;
- la mobilisation de textes de référence auquel cet enseignement et la réflexion qu’il suppose confèrent progressivement un sens perceptible pour les élèves ;
- la volonté de développer des compétences langagières et de permettre l’apprentissage de l’argumentation (au travers de la pratique du débat par exemple), condition nécessaire de l’exercice démocratique de la citoyenneté et du jugement ;
- le souci de ne pas éluder les réalités concrètes et d’éviter un décalage entre l’enseignement donné et le « vécu » des élèves ;
- l’ambition de mobiliser l’ensemble de la communauté éducative en tissant des liens avec la vie scolaire, en portant une pédagogie de projets et en s’ouvrant à des partenariats extérieurs.
L’EMC ne peut cependant se concevoir sous la forme d’une « éducation civique prolongée ». Tout en s’appuyant sur les acquis mentionnés, il importe en effet de mesurer les renouvellements forts qu’il suppose. A cet égard, le travail effectué sur les représentations initiales des élèves s’avère instructif. En se référant à des schémas anciens (qu’elles n’ont par ailleurs pas directement expérimentés), les classes mettent en évidence la nécessité d’expliciter les modalités nouvelles portées par l’EMC.
Certains points méritent que l’on s’y arrête particulièrement.
- « L’éducation civique a tout d’abord vu la réflexion sur la formation du citoyen subsumer toutes les dimensions de la formation de l’élève : la dimension morale, sociale et civique. » Le retour de l’éducation civique en 1985 a ainsi vu cet enseignement découplé de toute morale explicite (ce qui faisait de la France une exception en Europe). Il importe donc tout d’abord de renouer avec un projet de formation complet de l’élève, la citoyenneté politique n’étant que l’une des dimensions de cette formation. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’appel à « réarticuler le moral et le civique, la personne et le citoyen ».
La prise en compte de la dimension morale de l’EMC est indispensable mais ne fait de ce dernier pas un cours moralisateur. L’EMC ambitionne de « faire partager les valeurs de la République » et de construire avec les élèves un rapport à ces dernières qui soit fondé sur la Raison (non sur l’inculcation). Loin de faire la morale, les professeurs sont donc invités à parler de morale avec les élèves.
La question de l’appropriation est explicitement posée. Il ne s’agit pas seulement de « faire connaître » mais bien de « faire partager ». Cela passe par un enrichissement régulier des connaissances et des compétences indispensables. L’écriture curriculaire des programmes permet à cet égard d’envisager une réelle progression spiralaire et de mobiliser plus fortement la question du sens des principes et valeurs abordés, un regard tourné vers la seule connaissance des institutions et des structures ne permettant pas d’aboutir. Elle induit également des pratiques pédagogiques actives qui permettent aux élèves d’expérimenter, de discuter, d’éprouver les valeurs et principes qu’ils découvrent ainsi qu’une mobilisation de l’ensemble des personnels au-delà du seul horaire dédié, que ce soit dans un cadre disciplinaire ou interdisciplinaire. A cet égard, d’intéressantes opportunités sont offertes par un travail commun avec la vie scolaire.