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Pourquoi lire et étudier « Le Cid » de Corneille en classe de 4ème ?

Quelques professeurs de l’académie de Lille ont bien voulu présenter des œuvres ou des textes qu’ils ont choisi d’étudier avec leurs élèves ainsi que les enjeux de formation personnelle et littéraire qui justifient leur étude : Annick Desandère et Clémentine Bartone nous présentent Le Cid, de Corneille

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par les programmes

• Découvrir, à travers des textes relevant des genres dramatique et romanesque, la confrontation des valeurs portées par les
personnages.
• Comprendre que la structure et le dynamisme de l’action dramatique ou romanesque ont partie liée avec les conflits, et saisir quels
sont les intérêts et les valeurs qu’ils mettent en jeu.
• S’interroger sur les conciliations possibles ou non entre les systèmes de valeurs mis en jeu.

Objectifs d’apprentissage


La pratique de l’oral, liée à un travail de lecture et à l’analyse de faits de langue, est la dominante de la séquence. L’objectif est que
les élèves mémorisent, intériorisent suffisamment la langue de Corneille pour s’en souvenir et la transmettre à leur tour.

La séquence permet notamment :
• de percevoir et d’exploiter les ressources expressives et créatives de la parole ;
• d’exprimer ses sensations, ses sentiments, formuler un avis personnel à propos d’un texte ou d’une thématique transversale à
l’œuvre en visant à faire partager son point de vue ;
• de reformuler, résumer à l’oral un texte lu.
• d’expliciter une démarche personnelle.

Descriptif de la séquence

C’est la version du Cid de 1637 qui a été retenue par les professeurs.

Réflexion préalable à l’élaboration du dispositif didactique sur Le Cid de Corneille

1. Présentation de la pièce

Faut-il encore présenter Le Cid ? Chacun a en mémoire des vers de Corneille ou des images d’interprétations devenues mythiques. Son succès ne s’est pas démenti au fil des siècles depuis sa création en 1636-1637. Corneille, dans Le Cid, met en scène une crise de génération, ce qui explique sûrement en grande partie l’adhésion d’un large public à la pièce, quelle que soit l’époque de sa réception.

 Le Cid occupe une place exceptionnelle et charnière dans l’œuvre de Corneille. Il a écrit plusieurs comédies pleines de fantaisie avant d’écrire cette pièce (qu’il sous-titre tragi-comédie en 1637) alors qu’il est à l’apogée de sa jeunesse. Les personnages sont de rang élevé et doivent surmonter des épreuves, comme dans les autres tragédies vers lesquelles il se tourne ensuite, mais ils ne sont pas soumis à une « force » qui les dépasse et qui décide de leur destin. Le choix entre l’honneur, valeur transmise par leurs pères, et l’amour s’impose successivement à Rodrigue et à Chimène et engage leur avenir, leur bonheur.

2. Les enjeux

Cette épreuve morale, que doivent surmonter les deux personnages qui incarnent la jeunesse, place au cœur de l’étude la question de la transmission et de l’héritage du passé dans le passage des générations. Cette perspective d’étude nous semble formatrice pour nos élèves à l’âge où ils cherchent leur place dans la société et parfois aussi des modèles.

Pour mieux comprendre ce qui se joue dans Le Cid, il faut replacer l’œuvre dans son contexte d’écriture. Corneille entame sa carrière de dramaturge dans la période qui voit Louis XIII établir son pouvoir et tendre vers l’absolutisme. Avec son ministre Richelieu, il entreprend de soumettre les grands seigneurs. On comprend aisément que l’Espagne médiévale de la pièce se donne alors à lire comme une transposition de la France de 1637.

L’opposition entre les deux générations d’hommes – celle de Don Diègue et du Comte d’une part, celle de Rodrigue et Don Sanche d’autre part – reproduit ce passage d’une aristocratie indépendante, puissante et libre à une noblesse en pleine mutation et faisant l’apprentissage de l’allégeance au roi. La jeune génération, incarnée par le couple Chimène-Rodrigue, doit trouver sa place dans ce nouvel ordre des choses. Et dès la scène du soufflet, Corneille pose alors à travers eux cette question de la liberté : S’imposer comme devoir de respecter les valeurs transmises du passé, est-ce se sacrifier et renoncer à sa liberté ? ouQue faire de l’héritage qu’on nous laisse ?

3. Angle de lecture

Avec les élèves, on examine plus précisément le parcours du couple Chimène-Rodrigue, emblématique de cette mutation qui s’opère d’une génération à l’autre.  Au fil de la pièce, on assiste à la métamorphose héroïque de Rodrigue. Comme Don Diègue, il se couvre de gloire grâce à des faits d’armes : d’abord en gagnant son duel contre le Comte qui s’oppose au roi, puis en se battant pour son pays et son roi contre les Maures. Néanmoins, l’idéal du jeune noble a changé par rapport à celui de ses aînés. Dans la scène des stances, Rodrigue reconnaît la légitimité morale de l’injonction de son père et décide en toute liberté d’aller se battre pour défendre l’honneur de son père, tout en accordant la même force à l’amour et à l’honneur, ce qui est tout à fait nouveau par rapport aux seigneurs féodaux qui plaçaient la gloire militaire au-dessus de tout.  De son côté, Chimène n’a de cesse de réclamer justice elle aussi au nom de l’honneur mais sans jamais oublier ce qui la guide réellement : l’amour qu’elle a pour Rodrigue. Le roi, au dénouement, reconnaît la vaillance de Rodrigue, valeur que son père lui a transmise, et promet le mariage au couple élu.

Il faut donc retenir que Corneille montre qu’il est possible de trouver un point d’équilibre comme solution à la crise de génération, quand il n’y a pas une rupture totale entre le nouvel ordre des choses et l’ancien monde.

Enfin, nous n’oublions pas que pour nos élèves, se joue aussi l’héritage d’une langue. Il s’agira donc pour nous de faire vivre les vers de Corneille de façon à ce qu’ils sonnent encore et restent une référence commune.

Présentation complète de la séquence :

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