Les activités ont été conçues par Anne Merlin, professeure de SVT, par Mélanie Serret, professeure documentaliste et ont été relues et améliorées par Benjamin Taverne, professeur de lettres histoire. Tous les trois enseignent au lycée Giraux Sannier et sont formateurs CLEMI.
Ce projet s’inscrit dans le cadre des TraAM EMI 2023-2024 sur la thématique de l’évaluation de l’information.
Après avoir testé des activités non reliées entre elles pendant plusieurs années, nous avons décidé de tenter de réaliser une progression EMI intégrée à la SVT en seconde, à l’enseignement scientifique en première et à l’enseignement de spécialité en terminale. Dans ce cadre, les élèves disposent d’un livret A3 qu’ils vont alimenter au fur et à mesure des activités.
Source : Repérage des connaissances, compétences ÉMI dans les nouveaux programmes du lycée (CLEMI)
Descriptif :
Objectifs disciplinaires (cf programme) : aborder le microbiote humain qui “représente l’ensemble des microorganismes qui vit sur et dans le corps humain.”
Capacité attendue en lien avec l’EMI : “Analyser, comparer, critiquer des informations sur les effets scientifiquement prouvés du microbiote et sur l’utilisation du microbiote en santé humaine.”
Lien avec les TRAAM EMI 2023-2024 : « envisager l’élaboration de séquences pédagogiques visant à travailler et à améliorer les compétences de compréhension, de recherche et d’évaluation des informations des élèves sur les interfaces écraniques »
Mise en place des ateliers : 4 ateliers ont été mis en place par les enseignantes.
> Séance 1 (1h30) : atelier 1 qui permet d’entrer dans la thématique “microbiote et santé” (professeure de SVT uniquement),
> Séance 2 (2x1h30) : la moitié des élèves réalise l’atelier 2 en salle de sciences (professeure de SVT), l’autre moitié est au CDI pour réaliser les ateliers 3 et 4 (professeure documentaliste). Les élèves échangent ensuite (dans notre cas, c’était la semaine suivante).
Remarques :
> Pour cette publication et pour répondre à la problématique des TRAAM EMI 23/24, c’est l’atelier 4 “lab’info microbiote” qui sera davantage détaillé. En effet, dans son livre “Savoir chercher”, Monica Macedo-Rouet explique l’importance d’enseigner “de façon structurée et systématique l’évaluation de l’information à l’école et ailleurs” autrement qu’à travers des règles simples et mécaniques (par exemple faire confiance à des sites officiels). Il faut que les élèves comprennent les biais cognitifs, le fonctionnement du cerveau face à ces biais… C’est dans cette optique que nous avons travaillé cette activité.
> Les ateliers de SVT permettent de travailler de nombreuses compétences EMI : ils se basent sur des articles de presse ou des publications issues des réseaux sociaux. Les élèves doivent ensuite suivre un raisonnement scientifique pour valider ou réfuter ces publications. Les ateliers dits EMI commencent de la même manière mais dans ce cadre, les élèves sont davantage amenés à retrouver la source primaire de la publication, à utiliser des moteurs de recherche en mode avancé, à croiser les sources…
> Le choix a été fait de séparer les lieux pour les ½ groupes afin de travailler avec de très petits effectifs dans un lieu comportant le matériel adéquat. Ainsi, en salle de sciences, les élèves ont abordé l’utilisation du microscope (observation du kéfir). L’enseignante de SVT a ainsi pu prendre le temps avec eux de revoir l’ensemble des étapes du réglage (intéressant en début de seconde pour remettre tous les élèves provenant de collèges différents au même niveau). Au CDI, les élèves ont pu utiliser l’espace collaboratif (tables rondes…), et le pôle info.
Contenu des ateliers animés par la professeure de SVT :
Atelier 1 (professeure de SVT) : le scandale sanitaire des pizzas et des chocolats.
> Mise en situation à partir d’articles de presse sur le scandale des pizzas Buitoni et des oeufs Kinder et enquête à partir de modélisations.
> Notions en SVT : Le microbiote humain représente l’ensemble des microorganismes qui vit sur et dans le corps humain. Le microbiote se met en place dès la naissance et évolue en fonction de différents facteurs comme l’alimentation (présence de fibres) ou les traitements antibiotiques.
> Compétences travaillées :
– Pratiquer un raisonnement :
Distinguer un savoir, d’une opinion et d’une croyance,
Evaluer la fiabilité des sources et la validité des résultats trouvés sur le web,
Faire preuve d’esprit critique,
Argumenter des choix en matière de santé et d’environnement en prenant en compte les arguments scientifiques,
Extraire des documents des informations pertinentes, rigoureuses et complètes.
Atelier 2 (professeure de SVT) : le kéfir peut-il soigner une diarrhée après une prise d’antibiotiques ?
> Mise en situation à partir de données trouvées sur les réseaux sociaux, travail sur le rôle des probiotiques et la valeur scientifique d’une information, rôle du microbiote, effets d’une dysbiose, effets d’une greffe fécale.
> Notions en SVT : Les interactions entre hôte et microbiote jouent un rôle essentiel pour le maintien de la santé et du bien-être de l’hôte. La composition en microorganismes et la diversité du microbiote sont des indicateurs de santé. Le microbiote intestinal a un rôle indispensable dans l’immunité et dans la digestion. Certaines bactéries ont des propriétés anti-inflammatoires. Les travaux sur le microbiote établissent des corrélations entre des compositions du microbiote et des pathologies. La modulation du microbiote ouvre des pistes de traitement dans certains cas de maladies. Certains microorganismes normalement bénins du microbiote peuvent devenir pathogènes pour l’organisme notamment en cas d’affaiblissement du système immunitaire.
> Compétences travaillées :
– Pratiquer un raisonnement :
Distinguer un savoir, d’une opinion et d’une croyance,
Evaluer la fiabilité des sources et la validité des résultats trouvés sur le web,
Faire preuve d’esprit critique,
Argumenter des choix en matière de santé et d’environnement en prenant en compte les arguments scientifiques,
Extraire des documents des informations pertinentes, rigoureuses et complètes,
Argumenter en mettant en relation des documents et des connaissances pour répondre à une problématique,
Maîtriser la démarche scientifique et comprendre comment se construit un savoir scientifique.
– Réaliser :
Utiliser un outil d’observation (microscope),
Maîtriser des logiciels de modélisation.
– Communiquer :
Communiquer à l’aide d’un schéma.
– Coopérer/collaborer.
Contenu des ateliers animés par la professeure documentaliste :
Document élève : cliquez ici.
Atelier 3 : U.N.F.A.K.E microbiote.
> Mise en situation : découverte du jeu unfake, créé par Guillaume BERTHELOT, professeur de S.V.T de l’académie de Créteil : cliquez ici.
> Notions en SVT : le microbiote intestinal influence la prise de poids.
> Compétence travaillée : comprendre la construction du savoir scientifique et en particulier la compréhension de ce qu’est une démarche scientifique.
Conclusion attendue : “les bactéries de l’intestin aident à digérer” constitue un savoir scientifique car l’hypothèse de départ a été validée par : > Une expérience qui a suivi un protocole rigoureux avec un groupe témoin et un groupe test, > Des pairs (d’autres scientifiques) qui ont eux aussi réalisé des expériences similaires et ont trouvé les mêmes résultats. Cette activité permet donc d’aborder une partie de la définition d’un savoir scientifique. |
Atelier 4 : lab’info microbiote
> Mise en situation : les élèves doivent analyser une publication qui a circulé sur les réseaux sociaux. Ils disposent d’un support en ligne qu’ils suivent pas à pas : cliquez ici (il est conseillé de suivre ce support avec les explications ci-dessous pour mieux comprendre l’activité).
> Compétence EMI travaillée : « évaluer la fiabilité des sources et la validité des informations trouvées en ligne. »
> Compétences CRCN : domaine 1 (information et données) ; compétence 1.1 mener une recherche et une veille d’information ; niveau 4 (utiliser des options de recherche avancées pour obtenir les meilleurs résultats, évaluer la fiabilité et la pertinence de diverses sources).
La publication comporte plusieurs éléments que l’élève va devoir vérifier :
> AFFIRMATION 1 : DIDIER RAOULT A TRAVAILLÉ EN VIROLOGIE À L’HÔPITAL DE LA TIMONE À MARSEILLE. Les élèves peuvent faire une recherche sur le web et trouver des éléments bibliographiques sur Didier Raoult.
> AFFIRMATION 2 : IL A RÉDIGÉ UN ARTICLE SUR LES PROBIOTIQUES DANS LA REVUE « NATURE » EN SEPTEMBRE 2009. Les élèves doivent retrouver l’article d’origine pour remonter à la source primaire. Ils vont donc sur https://www.nature.com/ et doivent utiliser la recherche avancée pour retrouver l’article écrit par Raoult en septembre 2009. Quelques constats : si la première recherche a été plutôt facile pour la plupart des élèves, celle-ci se révèle plus compliquée. Les élèves sont déroutés car ils arrivent sur un site en anglais et pour la plupart, ils peinent à trouver la recherche avancée et les critères qu’ils peuvent remplir. Certains cherchent “nature” dans le moteur de recherche du site, ce qui peut montrer une non compréhension de l’arborescence des documents et des informations.
> AFFIRMATION 3 : IL AFFIRME DANS CET ARTICLE QUE « LES BOISSONS LACTÉES FARCIS AUX PROBIOTIQUES (…) AURAIENT UNE GROSSE PART DE RESPONSABILITÉ DANS L’ÉPIDÉMIE D’OBÉSITÉ QUI FRAPPE LES ENFANTS. »
Quelques constats : il est intéressant de faire relever aux élèves le point d’interrogation à la fin du titre, ce qui constitue une première preuve pour réfuter la publication qui se révèle être trompeuse. Didier Raoult n’affirme rien, il émet des doutes et des opinions.
Il est conseillé aux élèves de traduire le résumé de l’article pour en comprendre le contenu : “Didier Raoult cautions that the use of probiotics as growth promoters in the farming industry means that further studies should be carried out before they are regarded as safe for use in humans.” (traduction : “Didier Raoult prévient que l’utilisation de probiotiques comme stimulateurs de croissance dans l’industrie agricole nécessite des études plus approfondies avant de les considérer comme sûrs pour une utilisation chez l’homme.”)
> Suite à cela, une activité amène justement les élèves à s’interroger sur le contenu de l’article écrit par Raoult. Ils doivent classer ce qui relève de l’information et ce qui relève de l’opinion :
On leur demande une conclusion sous forme d’un conseil donné à quelqu’un qui a cru en la publication. Quelques constats : les élèves relèvent rapidement le nom de Didier Raoult, ils le connaissent comme un scientifique qui est passé plusieurs fois à la TV et admettent que ça donne de la crédibilité à la publication. C’est intéressant pour faire émerger avec eux le biais d’autorité. Pour cette conclusion, ils rédigent souvent une phrase assez simpliste du style “il ne faut pas croire ce qu’on voit sur les réseaux”. Il faut les accompagner pour les aider à aller plus loin.
Conclusion : la publication utilise le biais d’autorité pour inciter les gens à y croire : elle cite un scientifique connu (Didier Raoult) ainsi qu’une revue scientifique (Nature) rédigée en anglais. Une partie de la publication est vraie (biographie de Raoult et article sur les probiotiques publié en 2009), néanmoins on fait dire à Raoult quelque chose qu’il n’a pas affirmé ! Dans cet article, il donne des opinions et demande à ce que plus d’études soient faites. On peut donc dire que la publication est une infox.Comme conseil, on peut dire qu’il faut toujours remonter à la source primaire de l’information, ici il fallait retrouver l’article publié par Raoult sur nature.com en septembre 2009. |
Les élèves doivent ensuite retrouver l’auteur de la publication. Une simple recherche avec le titre “devenez XXL avec des yaourts” leur permet d’arriver sur le site de Michel Dogna. Quelques constats : ils sont interpellés par l’image qui devient vite une source de discussion : est-ce une image qui pourrait être sur un site scientifique ? Pourquoi une telle image ?
Ils doivent retrouver des informations sur l’auteur, ce qui nous permet d’aborder par tâtonnements les critères qui définissent un domaine scientifique (la médecine conventionnelle) ou un domaine relevant de croyances (pratiques de soins non conventionnelles) :
Michel Dogna exerce la naturopathie, qui relève de la croyance (= dont l’efficacité n’a jamais été prouvée scientifiquement). Il n’est pas un expert scientifique dans le domaine concerné par la publication.
Bilan :
Pour le bilan, les élèves vont compléter le A3 “spécial EMI” dans leur classeur de SVT. Ils disposent de deux lots de cartes à replacer au bon endroit :
> Lot de carte n°1 pour la page “Comprendre la construction du savoir scientifique et différencier un savoir scientifique d’une pseudoscience, d’une croyance et d’une opinion”.
> Lot de carte n°2 pour la page “Evaluer la validité d’une publication trouvée en ligne”.
Ressource supplémentaire :
Pour aller plus loin :
> Cette autre partie de la publication de Michel Dogna est très intéressante à débunker également, à l’aide de l’article publié sur le site https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18085457/
“Voici l’expérience qu’a effectué le professeur Didier Raoult, : il a pris des poussins d’une semaine et leur a donné chaque jour du Lactobacillus Fermentum, probiotique que Danone saupoudre généreusement dans tous ses yaourts. Quatre semaines après, les poulets étaient devenus monstrueux, dépassant de 30% la taille normale. De plus, ce qui n’a pas été mentionné, c’est que les dites volailles étaient devenues particulièrement agressives.”
> Cette partie est intéressante pour travailler les biais (ici, autorité et confirmation) :
“Croyez-moi, si vous voulez être en bonne santé, écoutez bien les recommandations de votre médecin et des professeurs qui parlent à la télé…. Et faites l’inverse ! Ces gens – qui n’en savent pas plus que vous – s’en tiennent à des croyances uniquement basées sur le bourrage de crâne publicitaire, ou pire sont des malhonnêtes payés pour mentir. Alors, soyons clairs : LAISSONS LES LAITAGES AUX VEAUX. Du calcium, il y en a partout, même dans les salades – les gens allergiques aux produits laitiers n’ont pas de problèmes de calcium – à méditer.”
(…) “Danone pousse donc à « élever » nos enfants comme des cochons ou des poulets… Peut-être en vue de les manger ensuite ?”