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Article collaboratif – Musée virtuel et exposition virtuelle

Mots clés du projet : créativité numérique, EMI, Genia.ly, outils numériques, vidéo, webradio

La créativité se révèle être un concept complexe à définir et, selon le champ des sciences sociales qui l’étudie, son approche ne recouvre pas les mêmes dimensions. Selon Isabelle Capron Puozzo (professeure à la Haute école pédagogique du Valais spécialisée dans le sentiment d’efficacité personnelle, la créativité et les émotions dans l’apprentissage dans une perspective sociocognitive), directrice de publication de La créativité en éducation et formation. Perspectives théoriques et pratiques (De Boeck supérieur, 2016), la créativité est développée par quatre facteurs : le cognitif, le conatif, l’émotionnel et l’environnement. Les facteurs cognitifs renvoient au niveau de la pensée, c’est-à-dire de la capacité à proposer des idées, à explorer des chemins difficiles parfois mais pour converger vers une autre solution. Le facteur conatif intervient quand on peut offrir un cadre challengeant à l’élève, où on va le sortir progressivement de sa zone de confort pour lui permettre de prendre des risques et d’essayer de faire un pas de côté. Les facteurs émotionnels recouvrent l’idée de pouvoir vivre un certain nombre d’émotions pendant ces expériences créatives qui vont renforcer justement les apprentissages. Les états émotionnels positifs ainsi que le plaisir favorisent la créativité. Les facteurs environnementaux représentent les différents environnements avec lesquels l’élève interagit ainsi que la présence plus ou moins grande d’outils technologiques qui influencent la créativité.

Plus ces facteurs seront seront présents, plus seront offertes à l’élève les conditions pour qu’il soit créatif. Il s’agit du modèle de l’approche multivariée développée par Todd Ludart dans Psychologie de la créativité (Armand Colin, 2010).

Ces dimensions interrogent la place donnée à la créativité par les enseignants dans leurs pratiques pédagogiques.

Cet article co-rédigé par des enseignants de deux académies s’inscrit dans le cadre du dispositif des TRAAM EMI 2021-2022.

La thématique nationale était la Créativité numérique. En lien avec les propositions 12 (Développer la citoyenneté numérique et renforcer l’éducation aux médias et à l’information) et 13 (Certifier les compétences numériques des élèves) issues des Etats généraux du numérique pour l’Education (EGN) et les domaines 3 (Création de contenu) et 5 (Environnement numérique) du cadre de référence des compétences numériques (CRCN), les équipes académiques s’attacheront à analyser et développer chez les élèves des pratiques numériques créatives dans le cadre des apprentissages (écritures numériques, productions mobiles, créations immersives, intelligences artificielles, enseignements hybrides…).

Le point de rencontre de nos projets est le choix de la réalisation d’un musée virtuel et d’une exposition virtuelle.

Problématique : Comment la réalisation d’un musée virtuel et d’une exposition virtuelle mobilise-t-ils la créativité numérique des élèves ?

1. Pourquoi avoir choisi ce type de production, le musée virtuel dans une démarche de créativité numérique ?

Pour le projet d’exposition virtuelle en L.C.A., ce travail s’inscrit à la fois dans la progression des latinistes en classe de seconde et terminale mais aussi dans la liaison collège-lycée mise en place avec les établissements du réseau Sophia-CLE.

Un de nos objectifs était de partager la production finale des élèves, dans un laps de temps assez court.  En parallèle, la professeure de lettres classiques a suivi cette année une formation réservée aux professeurs de L.C.A. sur l’utilisation des outils numériques où l’outil Genial.ly a été évoqué. Le professeur documentaliste qui a mené  l’an dernier un projet similaire dans le cadre des T.R.A.A.M, avait l’occasion de s’appuyer sur son expérience et le bilan de ce précédent projet. Les élèves étaient libres de créer le médias qu’ils souhaitaient, vidéos, audios, images interactives.

L’utilisation de l’outil Genial.ly est apparue comme évidente pour permettre de développer la créativité numérique des élèves. Il devient alors un véritable catalyseur de la vulgarisation scientifique.

L’expérience du confinement de 2020 en pleine pandémie mondiale a été un vrai incubateur d’idées dans le domaine de l’enseignement. Dans l’académie de Lille, des professeurs documentalistes, essentiellement des formateurs, ont pris l’initiative, avec l’accord de l’IPR EVS, de mettre en place un rendez-vous régulier appelé Coffee Time, par le biais de la classe virtuelle. Il permettait, entre autres, des échanges sur différentes thématiques et la présentation de projets vec accès en partageant les liens des ressources. Plusieurs collègues avaient été partie prenante de la réalisation de visites virtuelles de leur établissement suppléant ainsi aux journées portes ouvertes rendues inopérantes. Cet épisode avait été aussi l’occasion de suivre de nombreuses formations sur des outils numériques ou des pratiques pédagogiques proposées notamment par Canopé avec l’ouverture de son catalogue au niveau national.  Depuis, la conception de séances ou activités se pensent sous les deux modalités : en présentiel et en distanciel.

Depuis plusieurs années, au collège République de Calais, la professeure documentaliste anime un atelier BD-manga. Cette année, a émergé l’envie d’asseoir la dimension culturelle de cet atelier perçu par les élèves comme un moment convivial, de détente et d’échanges, de leur faire prendre conscience des connaissances et compétences qu’ils développent dans ce cadre, mais aussi de les amener à percevoir les possibilités du numérique dans le partage d’une culture commune. Aussi, la transposition des nouvelles expériences culturelles développées par les structures artistiques à travers leurs musées virtuels ou expositions virtuelles représentait une solution pour présenter ce qui est abordé ou produit au cours de cet atelier.

2. Présentation de nos expérimentations : analyser les limites et difficultés

Julie Hugues, professeure de LCA

Jean-Christophe Boj, professeur documentaliste

Lycée Simone Veil à Valbonne – Académie de Nice

Il s’agit dans le cadre de ce projet de se demander comment les écrits d’auteurs antiques nous sont parvenus. Pour cela, il convient de sensibiliser les élèves à la diversité des métiers autour du livre de l’Antiquité à nos jours. De plus, il faut également interroger le mot livre, comprendre à quelle réalité ce terme a pu correspondre (du rouleau de papyrus à l’objet moderne, en passant par les codex de parchemin).

Après avoir réalisé des recherches, les élèves en s’appuyant sur la visite des archives départementales, vont réaliser une exposition virtuelle. Le but est de les amener à créer des documents à partir de ces informations avec différents médias, vidéo, audio… qui composeront l’exposition virtuelle. Ainsi à travers leur créativité, ils vont vulgariser les connaissances acquises lors de ce projet à destination des autres élèves du lycée mais aussi les collégiens du réseau.

Notre exposition virtuelle prend la forme d’un manuscrit virtuel, réalisé sur Genial.ly, version éducation, outil permettant de mettre les pages de l’exposition à disposition des utilisateurs. La plateforme est hébergée en Espagne et la formule éducation respecte la réglementation RGPD.

Par groupe, les latinistes créent une page pour chaque thème de l’exposition. Les secondes travaillent sur les animaux mythologiques fabuleux et leurs auteurs. Les terminales se concentrent sur les bibliothèques et la lecture dans l’Antiquité et le Moyen-âge.  Les élèves peuvent utiliser différents médias : de l’audio, des vidéos, des images animées et interactives ou des dessins et animations entièrement personnels.

Lien vers le scénario

Limites et difficultés :

Par rapport aux élèves de terminale, les élèves de seconde ont eu davantage de difficultés , notamment pour produire des vidéos. Beaucoup s’en sont tenus à des présentations plus proches d’un exposé traditionnel.

L’utilisation de la vidéo a été clairement un frein pour les élèves de seconde, qui, à la différence de leurs aînés, sont moins à l’aise à l’oral.

Cependant, les possibilités offertes par l’outil Genial.ly ont permis de stimuler leur créativité. Par exemple, le groupe qui travaillait sur le dragon et le griffon, a cherché comment rendre leur partie plus attrayante en essayant de représenter une interface de jeu vidéo en intégrant des images animées.

Une difficulté, inhérente à l’utilisation de Genial.ly, c’est que les élèves peuvent être très vite perdus face à la liberté et les possibilités infinies de création que l’outil propose. Ils peuvent être victime du syndrome de la page blanche ou encore ne pas arriver à se décider parmi toutes les possibilités ou au contraire s’éparpiller dans les tâches. Afin de les aider, l’équipe enseignante a décidé de travailler avec chaque groupe sur les compétences recherche documentaire (sélectionner, trier, hiérarchiser et synthétiser l’information). Par ailleurs, les différents groupes ont réalisé des story boards pour leurs pages de l’exposition. Les élèves ont dessiné un schéma représentant la structure de la page, en présentant les médias, les informations, les différentes animations et interactions qu’ils souhaitaient y intégrer.

Blandine Tardieu, professeur documentaliste

Collège République à Calais – Académie de Lille

Un atelier BD-manga est proposé aux élèves volontaires sur le temps de la pause méridienne une fois par semaine à raison de 50 minutes. L’objectif vise à offrir un espace de partage autour de la lecture de BD et mangas, de présentation de nouveautés en la matière, d’ouvrir l’horizon des élèves avec des ouvrages vers lesquels ils n’iraient pas spontanément et de faire des liens avec la production cinématographique de films d’animation.

Sous-jacent s’inscrit la volonté de développer le vocabulaire et les connaissances propres au 9ème art à travers des quiz. En parallèle, des activités plastiques libres ou avec contraintes sont proposées. Des élèves participent assidûment à l’atelier depuis trois ans. En grande majorité, ce sont des amateurs de mangas et plus particulièrement d’animés.

Cette année, plusieurs d’entre eux sont aussi engagés dans un autre atelier animé par la professeure documentaliste, la Webradio et le Webzine. Quelques-uns alimentent leur propre chaîne Youtube chez eux et sont actifs sur les réseaux sociaux. Ils ont, en cela, l’habitude de communiquer autour de ce qu’ils font ou sur ce qu’ils aiment. En lien avec toutes ces pratiques, ils ont tout naturellement éprouvé l’envie de partager auprès des autres collégiens cette passion de l’univers manga. Ils souhaitaient mettre en avant de manière originale ce qu’ils font dans l’atelier.

Aussi, l’idée de la création d’un musée virtuel est apparue de manière évidente. Des exemples de musées ou d’expositions virtuels, émanant de structures muséales ou d’établissements scolaires, leur ont été montrés.

Ils ont ensuite réfléchi au contenu de cet espace d’exposition, ce qu’ils avaient envie de valoriser ou de partager.

Ils voulaient parler des mangas et des animés, présenter chacun leurs préférés, des personnages, des mangakas, des techniques de création du manga, montrer des dessins, proposer des quiz, des vidéos. Les contraintes de temps les ont amenés à évaluer ces idées pour n’en retenir que quelques-unes.

Les solutions ont été trouvées par les élèves de 5e en proposant la création de capsules radio.

Ils participent également à l’atelier Webradio-Webzine mais en début d’année, ils n’avaient produit que des articles pour le Webzine, les élèves de 4e étant plus habitués à la réalisation de ces capsules et force de proposition des sujets. Deux capsules ont été imaginées sur ces deux ateliers avec la collaboration d’élèves de 6e. Reprenant les idées de parler du manga et de l’animé, ils ont construit les conducteurs des deux émissions. La créativité prend une place majeure dans cette activité qui nécessite de nombreux ajustements et une forte capacité de collaboration pour aboutir à un résultat audible et attractif.

Ce que les élèves préfèrent dans cet atelier, ce sont les quiz. Il a suffi de leur présenter des logiciels ou plateformes en ligne permettant leur création et de les accompagner dans leur prise en main. Ils ont apprécié la découverte de ces nouveaux outils tels que Learning apps, Kahoot ou Genial.ly. Ils ont d’ailleurs produit un nombre considérable de quiz non publiables car la difficulté majeure est de trouver des images libres de droit et d’utilisation sur les personnages de mangas ou les animés.

Vous trouverez le scénario pédagogique en cliquant sur le bouton ci-dessous :

Univers manga.png

Limites et difficultés :

L’hétérogénéité du groupe a constitué la première difficulté, les élèves de 6e n’ayant pas la même expérience que ceux de 4e ou les mêmes aspirations que ceux de 5e. La seconde a été l’essoufflement assez rapide chez plusieurs élèves de l’enthousiasme rencontré à l’amorce du projet. Il a fallu maintenir la motivation pour réaliser la production finale. Une autre problématique a concerné l’organisation et la planification des étapes dans la démarche créative. Le manque d’autonomie des élèves a nécessité la médiation de la professeure documentaliste pour identifier les grandes idées des deux capsules. Ces élèves de 5e, pas encore coutumiers de la réalisation du script de l’émission de radio, ont éprouvé des difficultés à ne pas être dans le plagiat de texte trouvé sur Internet, lors des recherches d’informations. Dans la partie technique, le manque de persévérance dans l’exercice du montage a nécessité l’intervention de l’enseignante.

Le questionnaire avait été réalisé au départ avec Kahoot mais cet outil ne permet plus la libre participation au quiz sans code ou QRcode. Les élèves ont utilisé l’outil Genial.ly. mais ont perdu l’aspect compétitif de Kahoot.

Le musée virtuel a été produit après la création des éléments. Il aurait peut-être fallu le créer au fur et à mesure pour que les élèves visualisent mieux le résultat en cours de création.

3. Que proposer dans un parcours EMI pour solutionner les problèmes identifiés précédemment ?

Quel que soit l’outil de création numérique (réaliser une vidéo, un audio, une image interactive ou encore une exposition virtuelle), nous nous heurtons toujours aux mêmes problèmes : quelles informations choisir et comment l’utiliser ? Les outils de création numérique donnent beaucoup de liberté et sans formation, les élèves peuvent être très vite débordés ou dépassés. Les expérimentations l’ont montrées, sans accompagnement, la majorité des élèves ne savent pas exploiter l’outil de manière optimum ou pire ils peuvent rester bloqués.

Un accompagnement pédagogique est nécessaire afin que les élèves passent par des étapes préparatoires avant d’aboutir à la création. Au-delà de la recherche documentaire, ils doivent maitriser les compétences info-documentaires comme savoir sélectionner, trier, hiérarchiser et synthétiser l’information afin de créer de nouveaux contenus. Un exemple concret est d’apprendre aux élèves à organiser les informations sous forme de story board, comme pour une vidéo. Ils y indiquent les informations choisies en les hiérarchisant et les synthétisant, mais aussi les adaptent par rapport au type de production demandée. Ils s’obligeent à réfléchir sur les différents types d’interactions ou d’animations et comment rendre leur travail attractif… Cette méthode peut aussi solutionner un autre problème lié à la création : le temps. L’utilisation de ressources comme Genial.ly sont très chronophages, surtout sur une séquence avec plusieurs élèves ou une classe entière. Le story board fait gagner un temps précieux au moment de la finalisation du projet.

Pour les vidéos, il est évident qu’il y a une grosse différence entre les élèves de terminale qui ont plus d’expérience que les élèves de seconde. Le travail sur les pratiques de l’oral mené en première et en terminale dans les spécialités a clairement fait la différence entre les deux groupes de niveau. Afin de solutionner ce problème à l’avenir, il est impératif de travailler plus régulièrement l’oral avec l’outil vidéo. Les élèves doivent acquérir des connaissances techniques (vocabulaire, méthodologie préparatoire…) ainsi que des compétences liées à ce média et à la pratique de l’oral (accepter son image, gérer son stress, travailler sur les gestes positifs et négatifs…)

Dans les productions numériques, les élèves sont désireux d’insérer des images ou photographies pour illustrer leur contenu d’où l’importance d’aborder avec eux les notions de droit liées aux images mais aussi à la propriété intellectuelle. Ils ont tendance à être dans le plagiat lors de l’écriture des textes pour les capsules audio ou les questions du quiz.

Pour tendre vers une plus grande autonomie des élèves et développer leur créativité, une formation aux outils numériques conçue de manière progressive de la 6e à la terminale paraît indispensable à mettre en œuvre de manière effective.

Pour conclure, au vu de ces expérimentations, il est primordial de renforcer les compétences liées à l’EMI et surtout d’impulser des dynamiques techniques. L’outil vidéo est un formidable outil pour travailler sur l’EMI, mais aussi pour préparer l’élève aux moments clés de sa scolarité, comme l’épreuve orale du DNB ou bien la nouvelle épreuve du baccalauréat, le Grand Oral.

Cet objectif peut se traduire par l’organisation d’un parcours où l’élève peut travailler ses compétences à l’oral comme sa communication non-verbale (posture du corps, gestes..) mais aussi sa communication para-verbale (voix, intonation…) au travers de l’outil vidéo.

Ce parcours peut s’appuyer sur la nouvelle circulaire du 24-01-2022 intitulée Une nouvelle dynamique pour l’éducation aux médias et à l’information – Généralisation de l’éducation aux médias et à l’information. Dans cette dernière, est encouragée la création d’une Webradio dans chaque collège et sont rappelées les compétences fondamentales développées par l’élève qui s’y investit : “lire, écrire, s’exprimer, argumenter, réfléchir et exercer son esprit critique.” Dans la vidéo comme dans la Webradio, quand ce n’est pas de la prise directe, l’élève a un droit à l’erreur permettant de travailler pas à pas et de désinhiber la prise de paroles. Ces médias se révèlent également d’excellents moyens pour faire prendre conscience à nos jeunes citoyens numériques de tous les droits qui leur sont liés (droit à l’image, droit d’auteur, droit de la propriété intellectuelle, liberté d’expression) et d’autant plus aisément qu’ils sont dans la manipulation d’outils familiers (photos ou vidéos partagées sur leurs réseaux sociaux).

Nous pouvons y inclure aussi la formation à des outils comme Genial.ly ou Canva qui permettent de mettre en avant les vidéos des élèves, mais aussi développer la créativité numérique de ces derniers.

Blandine Tardieu, professeur documentaliste

Julie Hugues, professeure de L.C.A.

Jean-Christophe Boj, professeur documentaliste