Documentation Lille Bienvenue sur le site des professeur·es documentalistes de l'Académie de Lille !

En quoi le travail d’alimentation d’une encyclopédie collaborative en ligne peut-il générer de l’intelligence collective ?

Nous sommes quatre professeures documentalistes issues des académies de Nice et Lille. Dans le cadre des Travaux Académiques Mutualisés (TraAM) en Documentation sur l’intelligence collective, nous avons souhaité impliquer nos élèves dans la modification ou la création d’articles sur des encyclopédies collaboratives comme Vikidia ou Wikimini. Trois d’entre nous avons travaillé grâce au dispositif Vikidiacad’EMI, qui permet d’encadrer ce type de projets. La variété de nos publics, de nos situations scolaires et des modalités pédagogiques mises en œuvre nous a permis de mettre en lumière des aspects différents et complémentaires du projet.

Image d’illustration issue de Pixabay, par Geralt : https://pixabay.com/fr/illustrations/wikip%C3%A9dia-livres-encyclop%C3%A9die-1802614/

Participants :

I. Contextualisation.

I.1. Présentation du projet national Vikidiacad’EMI :

Vikidia est une encyclopédie libre, gratuite et collaborative destinée aux enfants de 8 à 13 ans, qui fonctionne sur le même modèle que Wikipédia. Elle a rejoint en 2022 les projets pilotés et accompagnés par Wikimédia France, association ayant pour objectif d’encourager le développement de contenus libres basés sur des wikis, notamment Wikipédia.

Le projet Vikiacad’EMI peut concerner toute classe ou groupe d’élèves du cycle 3 à l’enseignement supérieur. Il est proposé et piloté conjointement par le CLEMI et Wikimédia France. Une présentation du projet Vikiacad’EMI 2023-2024 est disponible sur le site du CLEMI.

A partir d’un thème commun à l’ensemble de la classe, les élèves sélectionnent un ou plusieurs articles de l’encyclopédie à créer (articles inexistants dans Vikidia) ou à enrichir (ajout de contenu, restructuration, ajout de médias, de sources…). Le thème général pour tous les participants en 2023-2024 (2e édition du projet) était « les sciences ».

Chaque classe s’associe avec un chercheur ou un organisme scientifique, « caution scientifique » qui aide les élèves à contribuer en leur apportant les éléments théoriques et les sources nécessaires et adaptées à leur niveau de compréhension. Ce partenariat peut prendre plusieurs formes : conférence introductive au sujet, visite de structure, relecture et correction des articles, etc.

Les élèves travaillent au brouillon, échangent leurs articles entre eux ou avec les partenaires associés pour relecture et correction, et publient une première version de leur contribution sur les pages publiques de Vikidia. L’ensemble du processus éditorial (brouillon, corrections, échanges avec la communauté…) peut se faire au sein du groupe classe ou en immersion sur la plateforme Vikidia (qui comprend à la fois les pages publiques de l’encyclopédie et des pages « méta » pour les échanges, discussions, présentations de projets…).

Le projet voit son aboutissement dans la tenue d’une journée collaborative : une journée où les participants d’une même académie ou d’un même département se rassemblent dans une structure culturelle locale, pour échanger sur leurs articles et proposer des relectures et corrections.

I.2. Tableau récapitulatif « retour d’expérience » :

 Mélanie Serret, LillePerrine Le Dûs, NiceCaroline Albertini, NiceCéline Domin, Lille
ÉtablissementLycée polyvalentLycée professionnelCollègeCollège
Dispositif Vikidiacad’EMIOuiOuiOuiNon
Modalités pratiques2nde GT
33 élèves
Lien avec un défi littéraire local
2nde pro
12 élèves
Lien avec l’intervention d’une tabacologue
1ère année de CAP fleuristes
Cours de botanique
5ème
Cours de français, technologie et EMI
2 classes de 5ème
Cours de Géographie
ThématiquesOcéanTabacFlore méditerranéennePonte des tortues caouanesRichesse et pauvreté face au changement climatique
Modalités pédagogiquesGroupes de 6. Recherche d’informations dans les livres du défi littéraire qui permettent de compléter le document collaboratif.Groupes de 3. Travail sur corpus imprimé, sélection d’informations qui permettaient de compléter le document collaboratif.Repérage des éléments essentiels grâce à un article « exemple »,
Construction d’un document de collecte en 4 parties,
Choix d’une plante dans une liste,
Recherches et travail sur le document de collecte,
Rédaction du brouillon dans Vikidia puis modification de l’article.
Lecture d’articles de presse liés aux pontes des tortues caouannes sur les côtes varoises,
Réflexion collective sur le plan à développer dans l’article de Vikidia.
Répartition des tâches par groupes de 3 à 5 élèves,
Rédaction dans la partie brouillon de Vikidia.
Correction et validation, Modification de l’article sur Vikidia.
Groupes de 4 mis au travail via le système des îlots étranges (inspirés de Rémi Massé),
Rédaction d’un « brouillon numérique » d’article sur un des quatre sujets au choix,
Vérification collective des critères pour la publication : respect du format de l’encyclopédie collaborative/ respect des consignes/ correspondance au sujet/ images libres judicieusement choisies, présence des sources…).
Outils utilisés par les élèvesDigipad
Traitement de texte collaboratif
Traitement de texte
Plateforme Vikidia : pages brouillon et pages d’articles
Articles de presse – Cafeyn (abonnement à partir d’E-sidoc)Traitement de textePlateforme Vikidia : pages brouillon et page de l’article.Les élèves ont également créé leur profil sur Vikidia, en utilisant des pseudonymes.Cryptpad
La Digitale
Suite bureautique Libre Office
Plateforme Wikimini

II. Étapes du projet

II.1 Aborder les particularités des Wikis avec les élèves.

Lorsqu’on utilise des wikis avec les élèves, il est important d’aborder certaines particularités de cet outil collaboratif afin de les guider dans leur utilisation. Plusieurs points clés sont à aborder, dont le fonctionnement collaboratif, l’accès à l’historique par tous, la comparaison de versions. Il est aussi utile de revenir sur les principes d’une encyclopédie (comme la neutralité, l’harmonisation des articles, la citation des sources) mais aussi sur les règles à appliquer lorsqu’on publie en ligne (notions de plagiat, de droit d’auteur…).

  • Principes encyclopédiques : nous pouvons d’abord revenir sur les principes suivis par une encyclopédie, comme l’exigence de neutralité, l’harmonisation du style et de la structure des articles, ainsi que la rigueur dans la citation des sources.
  • Fonctionnement collaboratif : il est essentiel d’expliquer le principe fondamental de co-écriture et de modification collective des contenus, où chaque contributeur peut modifier et enrichir le travail des autres. Ce fonctionnement nécessite un partage de valeurs liées à la collaboration, au respect mutuel du travail de l’autre ainsi que la mise des compétences et connaissances de chacun au service de l’intelligence collective. Une discussion autour des avantages et inconvénients de ce fonctionnement collaboratif peut permettre aux élèves de mieux connaître les outils qu’ils utilisent et les aider à faire preuve d’un esprit plus critique.
  • Aspects légaux et éthiques : il paraît aussi important de rappeler les règles à respecter lors de publications en ligne, en revenant notamment sur les notions de plagiat, de vérification des informations, de respect des droits d’auteur et de propriété intellectuelle.
  • Mémoire du projet : il s’agit de montrer comment il est possible d’accéder à l’historique complet des modifications d’une page et ainsi de comparer les différentes versions. Cet accès transparent à tous permet de retracer l’évolution du travail et d’analyser les apports de chacun.

Par exemple, à Nice, au collège Henri Wallon à la Seyne sur mer : les années précédentes, il était abordé en séances EMI 5ème le fonctionnement d’une encyclopédie collaborative, comment consulter l’historique de navigation pour voir les différents contributeurs, comment citer une source sur différents outils et également sur une encyclopédie collaborative, cette fois-ci, ce sont les élèves qui se sont questionnés pour arriver à sourcer. Les élèves ont été accompagnés pour alimenter l’article, ils ont donc davantage manipulé pour comprendre tous les rouages d’une encyclopédie collaborative.

Quelques articles de presse peuvent s’avérer de bons supports pour cette étape :
– Bouthier, Baptiste / Darshan, Fernando. Blablablablawiki. Topo n°040, 03/2023, p.58-63
– Girard, Etienne / Paquette, Emmanuel. Wikipédia, une encyclopédie sous influence. L’Express n°3650, 17/06/2021, p.20-25
– Pluyaud, Louise / Da Rocha, Alexandra. Comment ça marche, Wikipédia ? Le Monde des ados n°467, 03/02/2021, p.15-21
– Wikipédia, la légendaire encyclopédie fête ses 20 ans. Geek junior n°009, 02/2021, p.4-5
– Wikipédia fête ses 20 ans : les chiffres fous de l’encyclopédie en ligne. L’Actu n°6435, 15/01/2021, p.6
Il existe aussi un documentaire réalisé par Arte : «il était une fois Wikipédia».
L’association Wikimédia France propose un jeu pédagogique, Wikeys, qui vise à faire découvrir les principes fondateurs de Wikipédia à partir de 12 ans.
Il existe également un parcours de formation pour comprendre les caractéristiques et enjeux de l’encyclopédie collaborative Wikipédia sur la plateforme « P@ssEMI » de l’académie de Créteil.

II.2. S’appuyer des articles exemples.

Afin de comprendre les attendus de l’écriture d’articles sur une encyclopédie collaborative, il peut être intéressant de s’appuyer sur l’existant. Wikipédia propose par exemple un système de labellisation des articles : la communauté des contributeur·ices attribue à certains articles les mentions « Bon article » ou « Article de qualité ». Ces mentions n’existent pas dans Vikidia, en revanche les enseignant·es peuvent présélectionner un article qui répond à leurs attentes pour l’observer et en analyser le contenu et la structure avec les élèves.

Par exemple, à Cagnes-sur-Mer, au Lycée Professionnel Auguste Escoffier : les élèves ont commencé par déterminer collectivement les éléments incontournables pour réaliser un article encyclopédique de qualité sur une plante (à partir de l’exemple Olivier). A partir de ces éléments la classe a construit un document de collecte structuré en 4 grandes parties : description physique de la plante, répartition géographique, plantation et entretien, aspects culturels et symboliques. Puis les élèves ont choisi une plante sur laquelle travailler à partir d’une liste préétablie par les enseignantes. Ils ont d’abord rassemblé leurs recherches sur un document de collecte, avant d’intégrer leurs propositions, d’abord sur leur page de brouillon dans Vikidia, puis directement en modifiant l’article.

II.3. Analyser les articles existants.

Si le choix du travail se porte sur l’enrichissement d’articles existants et non sur la création de nouveaux articles, une fois que les articles qui seront modifiés sont choisis, il est important d’en faire une première lecture attentive ainsi qu’une analyse. Plusieurs questions doivent guider cette étape préparatoire : Les informations partagées sont-elles pertinentes ? Compréhensibles par le public visé ?

Par exemple, à Lille, au lycée polyvalent : l’article sur la cigarette électronique comportait des informations obsolètes, datant de 2014. Cette situation a permis d’illustrer l’importance de l’actualité et de la validité des contenus. Les élèves ont souvent des réticences à supprimer ou à modifier en profondeur des éléments déjà présents dans l’article. Il faut les rassurer et les encourager à « faire le ménage » sans hésiter, afin d’assainir et actualiser les contenus vieillis ou erronés. Pour cette étape, le partenaire scientifique dans le cadre de Vikidiacad’EMI peut s’avérer très utile, tout comme un collègue spécialiste de la discipline. Les élèves peuvent aussi vérifier par eux-mêmes les informations.

II.4. Travailler la recherche informationnelle avec les élèves.

Durant les différentes phases du projet (vérification, reformulation, écriture), les élèves sont amenés à rechercher des informations. Cette étape peut être simplifiée ou approfondie selon le travail demandé et préparé par les enseignant·es, en fonction de divers facteurs (temps disponible pour mener le projet, niveau de compétences des élèves en recherche d’information, objectifs pédagogiques ciblés). Les enseignant·es peuvent ainsi par exemple proposer un corpus de documents déjà établi. Ainsi, les élèves travaillent quelques compétences ciblées (sélection des informations, prise de notes et reformulation, organisation des informations au sein de l’article). Si le temps et le niveau des élèves le permettent, il est possible de responsabiliser les élèves sur l’ensemble du processus de recherche et de production informationnelle (définition des besoins, recherche de sources pertinentes, sélection des informations, prise de notes et reformulation, organisation des informations au sein de l’article). Les étapes de la prise de notes et de la rédaction se prêtent bien à la pratique du document de collecte : les élèves rassemblent toutes les informations glanées sur différentes sources par un simple copié-collé des informations pertinentes accompagné de chaque source, et travaillent ensuite la rédaction à partir de ce document.

Dans tous les cas, les apports en méthodologie info-documentaire sont importants tout comme les compétences en éducation aux médias et à l’information sont nombreuses. L’élève travaillera aussi des compétences transversales importantes comme l’esprit critique, la gestion de projet, la maîtrise d’outils numériques…

Par exemple, à La Seyne sur Mer, les élèves du collège Henri Wallon ont commencé par étudier des articles de presse de Var Matin, sur les pontes des tortues caouannes sur les côtes méditerranéennes en 2023. Ils ont réalisé un document de collecte puis le groupe s’est mis d’accord sur un plan pour la modification de l’article sur Vikidia. Les enseignant·es ont transmis ce plan aux scientifiques accompagnant le projet avant leur intervention au mois de janvier. Puis les élèves ont été répartis par groupes entre 3 et 5 élèves, ils étaient chargés de l’alimentation de l’article. Pour cela, des comptes sur Vikidia ont été créés pour chaque groupe, chaque groupe s’est présenté sur l’espace puis a fait une copie de l’article à modifier dans lequel le plan avait été intégré. A partir des données transmises par les scientifiques, des informations dans les articles de presse et en croisant les sources informationnelles (sites internet, presse, documentaires), ils ont rédigé l’article, en reformulant et adaptant les informations prélevées. Nous avions au préalable référencé l’ensemble des ressources à utiliser sur le portail documentaire E-sidoc. Ils ont mis à disposition ce contenu dans la partie brouillon de Vikidia pour pouvoir travailler en groupes et ont alimenté en fonction de l’intervention des scientifiques, des compléments d’information.

À Lille, peu de temps pouvait être consacré au projet. Il a été décidé de travailler davantage sur les compétences de sélection et d’organisation des informations. Aussi, les élèves ont travaillé à partir d’un corpus de documents et ont utilisé un document collaboratif mis à disposition sur un Digipad. Ils n’ont pas réellement rédigé sur la plateforme collaborative, ce sont les enseignants qui ont finalisé la mise en ligne.

II.5. Rencontre avec la classe partenaire et relectures.

Une fois les articles rédigés, une rencontre est organisée avec une classe partenaire. Celle-ci peut être composée d’élèves ayant l’âge visé par l’encyclopédie collaborative, ou ayant travaillé sur un/des sujets connexes – ou les deux. Durant cette rencontre, les plus jeunes lisent avec les plus grands les articles rédigés et expliquent s’ils comprennent les informations données. Ensuite, les plus jeunes présentent leur travail aux plus grands !

Des modifications peuvent avoir lieu, en direct ou en différé. Cette séance en collaboration peut en effet donner lieu à l’enrichissement en groupes mixtes (les deux classes mélangées) des articles, en travaillant sur les aspects moins directement liés au contenu mais qui concernent plutôt la forme « wiki » : ce qu’on appelle le travail de wikification : l’ajout de liens internes vers d’autres articles de l’encyclopédie, la structuration de l’article, l’ajout d’images et d’une infobox, l’ajout et la mise en forme des sources de l’information mise en ligne.

Par exemple, à Lille, des représentants de la classe de seconde générale et de seconde professionnelle ont proposé leurs articles à des écoliers de niveau CM1-CM2. C’était très satisfaisant de constater qu’ils n’étaient alors plus dans leur posture habituelle d’élèves, mais dans celle de véritables médiateurs du savoir.

À Nice, la journée collaborative des Alpes Maritimes a permis à des élèves de CAP et à des élèves de CM1-CM2 de se rencontrer et de travailler en groupes mixtes à la wikification des articles de chacun·e, à partir de trois fiches guides mises à leur disposition :

A la Seyne sur mer également, les élèves de CM2 et 5e se sont rencontrés et ont échangé en groupes mixtes, une relecture de chacun des articles a été faite, et chacun a pu mettre en avant sa démarche d’investigation et d’écriture, qui n’était pas nécessairement identique entre les élèves de primaire (travail en grand groupe) et les élèves de secondaire (travail en petits groupes). La wikification a pu se faire lors de cet échange, les élèves de 5ème tutoraient les élèves de CM2.

III. Retours réflexifs sur le projet.

III.1. Chercher à optimiser le travail en équipe.

Une particularité de ce projet est que les élèves travaillent en distanciel asynchrone avec les autres contributeurs et en présentiel synchrone avec les membres de leur classe, y compris leurs professeurs. Et ils travaillent aussi avec un ou plusieurs scientifiques ! C’est donc un travail d’équipe à trois niveaux complémentaires. Pour qu’un tel travail collectif soit efficace et formateur, certaines conditions doivent être réunies. Isabelle Plante (2012)1 propose cinq principes pour un travail collectif au service des apprentissages :

  • interdépendance positive (chacun a un rôle essentiel à jouer),
  • responsabilité individuelle (implication de tous),
  • promotion des interactions (mise en place de situations favorisant la communication, l’entraide…),
  • habiletés sociales et coopératives (valorisation de l’écoute, du respect…),
  • processus de groupe (analyse réflexive sur le fonctionnement du groupe).

1Plante, Isabelle. L’apprentissage coopératif : Des effets positifs sur les élèves aux difficultés liées à son implantation en classe. Canadian Journal of Education / Revue canadienne de l’éducation, 2012

Par exemple, au collège Henri Wallon, un groupe était chargé de sourcer les informations prélevées, chaque groupe lui donnait les références pour qu’il puisse travailler sur la présentation des éléments bibliographiques et sitographiques. Chaque groupe a ensuite récupéré le code source de sa partie pour l’intégrer à l’article sur Vikidia. L’article a été envoyé aux scientifiques de Marineland, pour une relecture, et les groupes ont été ensuite chargés de faire les modifications. En fin de séquence, les élèves ont ajouté les liens hypertextes pour donner plus de sens à l’article. Cette organisation en groupes interdépendants, avec des rôles définis et des interactions fréquentes, illustre la mise en pratique des principes d’un apprentissage coopératif réussi.

Autre exemple, à Lille, au collège Immaculée Conception, le dispositif de travail en îlots étranges avec rôles désignés a permis à chaque élève dans les groupes de se sentir investi et impliqué dans le travail. Nous avons pu observer une collaboration plus efficace, ce qui a permis un engagement actif des élèves et de mobiliser leur attention. Aucun élève n’est resté passif.

III. 2. Les difficultés rencontrées par les élèves.

Les élèves ont rencontré des difficultés de différents ordres :

Sentiment de légitimité

  • Certains élèves ont eu du mal à se sentir légitimes pour prendre la parole et partager leurs connaissances sur un outil public perçu comme « savant ».
  • Ils hésitaient à supprimer ou modifier du contenu existant, même s’il était erroné ou hors sujet.

Réécriture et reformulation

  • Supprimer ou modifier du contenu déjà existant dans l’article a été compliqué à faire accepter.
  • Retravailler un premier jet en intégrant les corrections des enseignants n’était pas évident.
  • Certains ne réalisaient pas qu’une phrase bien formulée et placée au bon endroit valait mieux qu’un long paragraphe copié-collé (la quantité prime souvent à la qualité dans leurs critères d’un « bon travail »).

Gestion de projets

  • Travailler en autonomie à partir de fiches guides s’est avéré ardu, notamment lors de la rencontre inter-classes.
  • Difficulté à se projeter sur les attentes concernant la production finale.

Prise en main des outils

  • La syntaxe et la mise en page spécifiques des wikis ont représenté un défi pour de nombreux élèves.
  • L’insertion d’images avec licences appropriées (Creative Commons) a été complexe au début.
  • Les compétences opératoires en informatique étant limitées, la manipulation de la plateforme est restée difficile pour certains.
  • Lors des séances avec la classe partenaire, les modifications n’étaient parfois pas enregistrées en raison d’éditions simultanées sur le même article, ce qui a été source de frustration.

Projection sur la production finale

  • Les élèves ont eu du mal à se projeter sur les attentes concernant la forme et la structure d’un article encyclopédique.
  • Le réinvestissement des notions vues en classe dans un format encyclopédique n’était pas évident.

III. 3. Les points positifs du projet.

Ce projet permet de travailler de nombreuses compétences EMI (presque la totalité du référentiel cycle 4 !) et sur de nombreuses compétences issues du CRCN. Les élèves sont immergés dans un outil de la culture informationnelle contemporaine et découvrent qu’il existe plusieurs encyclopédies collaboratives et à quel point il est facile d’en modifier le contenu. Ils pourront rencontrer à nouveau beaucoup de notions abordées notamment dans le cadre des parcours Pix.

Au-delà des compétences transversales, les élèves s’approprient en profondeur des contenus disciplinaires (science, environnement…) pour en favoriser l’accès et la compréhension pour des plus jeunes. La thématique des sciences par exemple, pour Vikidiacad’EMI, a permis une meilleure compréhension de la méthode scientifique et des questions vives en sciences. Pour les thématiques liées à l’environnement, les élèves ont eu une réelle prise de conscience en s’appropriant les informations.

Les enseignants peuvent aisément différencier et adapter ce projet en fonction du niveau des élèves, du temps disponible, des objectifs visés ou d’autres facteurs contextuels.

Le travail en équipe a été très porteur. Qu’il s’agisse de coopération ou de collaboration, les élèves ont amélioré ou travaillé des compétences diverses au service des apprentissages. Si les rôles étaient répartis, chaque élève a pu s’investir selon ses forces : des élèves se sont révélés dans la manipulation des codes sources, d’autres ont pris à bras le corps la recherche d’information et le croisement des sources, d’autres ont pris beaucoup de plaisir à vikifier. Les rôles répartis ont permis à certains de se révéler dans des tâches, améliorant ainsi leur confiance et leur motivation.

En contribuant concrètement aux communs de la connaissance, les élèves ont le sentiment valorisant de participer à un projet concret et utile, qui va au-delà du cadre scolaire. De plus, pour les élèves les plus en difficulté, comme des élèves de CAP plutôt habitués à des situations d’échec scolaire et peu à l’aise avec l’écrit, qui se sont trouvés en situation, et en capacité de participer à la construction d’un savoir commun, et cela a été fondamental dans la construction ou la restauration d’une confiance en eux dans leur discipline professionnelle majeure : la botanique. Chacun a ainsi avancé à son rythme et progressé à son niveau.

Les interactions ont été nombreuses et enrichissantes. Celles avec la communauté des contributeurs ont été globalement positives et formatrices. Nous avons régulièrement reçu des messages pour nous proposer des conseils ou des améliorations, mais n’avons pas eu à subir de « suppressions sauvages » ou de remarques désobligeantes sur la qualité des contributions. L’ajout d’un bandeau d’information « Travail pédagogique en cours » sur les articles pendant la durée du projet a certainement facilité la communication avec la communauté vikidienne.

La rencontre avec les élèves partenaires est un point fort important de ce projet, c’est lors de cette journée que les élèves ont pris réellement conscience du travail effectué et de son intérêt. Les élèves ont compris les enjeux de prendre en compte les destinataires et se sont sentis valorisés par la transmission entre générations.

III. 4. Pistes d’amélioration.

Il est essentiel de prendre le temps de présenter l’encyclopédie collaborative abordée et son fonctionnement, ses spécificités… Il peut être formateur de prévoir un temps avec les élèves pour travailler sur un article existant trop complexe et leur montrer concrètement la nécessité de le modifier.

Une simulation peut être également intéressante lorsque le travail en équipe passe par des rôles à prendre en main. Il est possible de proposer une simulation ou une micro-mission pour expérimenter les différents rôles.

Il peut être opportun de travailler sur plusieurs articles plutôt qu’un seul, en ciblant des partenaires experts capables d’interagir sur différentes thématiques. Ces dernières peuvent s’appuyer sur l’actualité ou des événements prévus dans l’établissement.

Il pourrait aussi être opportun de créer du lien entre les classes partenaires avant la rencontre finale, afin de donner du sens au projet et générer ainsi davantage de motivation et d’engagement. Pour la rencontre finale, un travail entre les enseignants en amont est nécessaire pour définir les étapes de ce temps fort.

Conclusion

La participation à un projet d’encyclopédie collaborative, que ce soit dans un cadre bien établi comme celui du dispositif Vikidiacad’EMI ou dans celui d’un projet de publication publique (Wikimini, Vikidia…) ou privée (beaucoup d’ENT proposent des outils permettant de créer un Wiki), constitue une expérience riche pour la formation des élèves en Éducation aux Médias et à l’Information. En s’impliquant dans la co-création de contenus encyclopédiques, les élèves développent des compétences fondamentales portant, entre autres, sur la culture de l’information, la maîtrise du numérique, l’esprit critique… Au-delà de ces compétences EMI, ces projets favorisent également le développement de nombreuses compétences, notamment psychosociales. L’échange intergénérationnel, où les élèves interagissent avec d’autres classes d’âges, renforce ces apprentissages en les confrontant à la réalité des destinataires finaux.