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Le FabLab, le CDI et les livres

Autrice : Cécila Courbot – Lycée Polyvalent Condorcet (Lens)

La toute nouvelle région des Haut de France a un projet ambitieux pour ses lycées et elle le développait en 8 axes prioritaires en décembre dernier. Etonnamment, en troisième position se situait le déploiement de 50 fablabs dans les lycées, depuis rebaptisés ECRINS (Espace commun de ressources pour innover avec le numérique dans les services). L’idée est de développer ces fablab devenus très à la mode ces derniers temps pour dynamiser la créativité et l’envie d’entreprendre des jeunes. La définition la plus commune nous indique qu’« un Fab Lab (contraction de l’anglais fabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ») est un lieu ouvert au public où il est mis à sa disposition toutes sortes d’outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d’objets. » (http://carrefour-numerique.cite-sciences.fr/fablab/wiki/doku.php?id=charte).

La machine archétypale de ces fablabs est l’imprimante 3D.  Le mouvement des fablab appartient, au départ, plutôt au milieu associatif car il s’agit de mettre en commun outils et savoirs dans lieu ouvert à tous pour y créer ou y bidouiller. Son développement dans les établissements scolaires a commencé d’abord dans les Ecoles comme celle des Mines de Douai ou les lycées professionnels déjà doté de machines-outils et d’espace de travail.

C’est dans ce contexte que nous avons souhaité expérimenter au CDI. Depuis plusieurs années déjà, la fréquentation personnelle de structures associatives autour du mouvement FabLab avait amené l’envie de travailler avec les élèves autour de l’utilisation de la fabrication numérique, de l’électronique et de la programmation. Un club programmation plus tard et une première expérience réussie avec la carte électronique Makey Makey pendant la semaine culturelle, et nous avons commencé à penser avec la direction à créer un µFabLab d’abord orienté autour des outils de création électronique plus accessibles.  Ce premier projet a pris ensuite de l’ampleur avec la mise en place en fin d’année scolaire d’un partenariat avec le FabLab des Mines de Douai (http://fablabby.mines-douai.fr/#!/events/81 ) puis s’est construit pour répondre à l’appel d’offre de la région. Le principe fondant ce μFabLab Condorcet est d’expérimenter l’esprit fablab dans un contexte de lycée général, axé autour du mode de travail collaboratif avec un équipement simple et polyvalent et en insistant sur l’aspect do-it-yourself et la récupération. Les objectifs premiers de la mise en place de ce μFabLab en 2016 étaient :

– de faire connaître l’esprit FabLab : open-source, solidarité, DIY, recyclage, travail avec les pairs, nouvelles technologies, ouverture à tous

-de permettre aux élèves de s’investir dans des projets alliant informatique et travaux manuels dans différents contextes (clubs, projet polarLens, projet scientifique) et de valoriser leurs compétences.

– de mettre en place un partenariat avec le FabLab des Mines de Douai, disposant d’un FabLab fonctionnel, très bien équipé avec un personnel formé.

Il s’agit donc d’une expérimentation en cours mais il est d’ors et déjà possible de faire un premier bilan d’étape. Le premier projet, qui sera mis en valeur sur le salon PolarLens des 11 et 12 mars prochain consiste en l’élaboration de présentoirs interactifs de livres autour de l’œuvre de Jérôme Leroy (http://www.polarlens.fr/wordpress/concours-dans-les-lycees/ ). Le modèle original est la machine à lire appelée Echoo des médiathèques du Pays de Vitré (http://www.netpublic.fr/2015/05/creez-votre-machine-a-lire/) qui est une borne permettant à l’usager de déclencher la lecture d’un avis audio de lecteur sur le livre choisi via un matériau conducteur. Ce système repose sur l’utilisation d’une carte informatique Makey Makey d’utilisation simple qui permet de simuler l’appui d’une touche via la manipulation d’un objet (http://labenbib.fr/index.php?title=Makey_Makey).

Pour tester la réception de ce projet par les élèves, avant de l’utiliser en classe, il a été proposé lors de la semaine culturelle 2016 à des élèves volontaires une séance de 3 heures pour réaliser la présentation animée et sonorisée d’un livre qu’ils aimaient. Pour chaque livre, ils devaient ainsi expliquer rapidement leur choix, présenter l’auteur en relation avec l’ouvrage choisi et lire l’incipit en sélectionnant pour chaque étape des visuels adaptés, puis utiliser le programme proposé sous Scratch pour intégrer leurs éléments sonores et visuels. Une grande liberté était laissée aux élèves sur les moyens utilisés pour y parvenir. Le besoin d’information a été clairement identifié, et le travail sur l’auteur notamment, où la consigne insistait sur le lien entre les informations biographiques et la fiction choisie, a montré que les élèves s’étaient vraiment investis dans le travail demandé en faisant preuve d’originalité et de réflexion dans la sélection d’information, ce qui est habituellement difficile à obtenir. La motivation des élèves impliqués et la qualité de leurs réalisations ont montré l’intérêt du projet, le temps d’appropriation de la partie technique du projet (programmation et électronique) par les élèves s’avérant raisonnable par rapport à la réalisation du fond (recherche documentaire, sélection de l’information, analyse de l’ouvrage). Les élèves fréquentant le CDI ont été, eux, interpellés et intrigués par ce présentoir interactif baptisé Juke Books une fois celui-ci mis en service (http://lycee-condorcet-lens.e-monsite.com/pages/vie-du-lycee/semaine-culturelle.html).

A partir de cette expérience, il a été proposé aux élèves de 1er STMG (2 classes) de travailler avec leurs professeurs de lettres, d’économie-management et le professeur-documentaliste, autour de l’œuvre de Jerôme Leroy dans le cadre du salon PolarLens. Depuis le retour des vacances de la Toussaint, ils se sont constitués en mini-entreprise en demi-groupe. La réalisation du présentoir interactif et de la communication autour de celui-ci a été réalisé pendant les heures d’AP Economie-management, à raison d’une heure par semaine. Ils ont travaillé à partir d’un cahier des charges des compétences en marketing, en droit, en communication… pour créer leur propre prototype de biblioborne. Une fois l’aspect du présentoir choisi, les élèves ont réalisé une maquette carton qui a permis de dessiner le plan de chaque élément, le meuble lui-même étant réalisé lors d’un atelier au FabLab de l’Ecole des Mines de Douai. En parallèle, d’autres élèves travaillaient la communication autour du produit : nom, logo, charte graphique, affiche, site internet… En AP Français, les élèves ont découvert les nouvelles de Jérôme Leroy, qui écrite des nouvelles noires courtes et percutantes puis ont travaillé par groupe pour présenter la nouvelle qui leur avait été attribuée. Les élèves ont ainsi travaillé leurs compétences en lecture, en écriture mais aussi la mise en voix, l’enregistrement… Ils rencontreront l’auteur vendredi 10 mars pour lui présenter leurs réalisations et s’entretenir avec lui sur leur perception de ses nouvelles. Le projet a reçu un accueil partagé par les élèves, un groupe sur les quatre a d’ailleurs préféré ne pas le faire et travailler en AP de manière plus traditionnelle après une poignée de séances. De manière générale les élèves ont eu du mal à prendre au sérieux le projet jusqu’à ce que le site de PolarLens annonce dans son programme l’exposition de leur travail. Ce projet a donc demandé beaucoup d’énergie de la part des enseignants impliqués pour maintenir le projet et pour tenir le planning. Le monde du travail est étranger à nos élèves qui ont dû mal à imaginer un projet qui ne soit pas un simple exercice scolaire. Côté positif des élèves, dont plusieurs en grande difficulté (que ce soit au niveau scolaire ou comportemental), se sont révélés dans ce cadre et ont montré une grande motivation et une belle créativité. Le travail au FabLab et la rencontre avec des étudiants de l’Ecole des Mines a été un temps fort de ce projet, la rencontre avec l’auteur et l’exposition au salon PolarLens devraient en être deux autres.

Toujours dans le cadre du µFablab et dans le contexte du salon du livre policier, un groupe de 22 élèves de 2nde ont travaillé sur l’élaboration de deux outils de médiation dans le cadre d’une heure d’AP en co-animation professeur de mathématiques et professuer-documentaliste. Dans le cadre du PEAC pour les écoles primaires, ces élèves ont ainsi été amenés à travailler avec la médiathèque de Lens autour de l’album Os court qui raconte l’histoire d’un voleur d’os dans une ville de squelette qui est démasqué par un avatar de Sherlock Holmes nommé Sherlos Hosme (https://vimeo.com/133642378). Pour aider les écoliers à comprendre l’enquête, ils ont réalisé ainsi un squelette interactif à partir d’un squelette plastique pris au laboratoire de SVT et d’une carte makey makey. Ils ont programmé sous Scratch afin que les élèves puissent visualiser, au fur et à mesure de l’histoire, les différents os volés en les identifiant et en les touchant sur le squelette interactif et ainsi de comprendre avec Sherlos Hosme que le voleur se constitue un squelette entier vol après vol. Avec le même objectif pédagogique, un second groupe a réaliser un « docteur Maboulos » permettant aux écoliers de jouer le rôle du voleur et d’essayer au fur et à mesure de l’histoire de reconnaitre les os volés et de les prélever sans déclencher l’alarme. L’écran associé permet de voir se reconstituer le squelette au fur et à mesure des vols grâce à une programmation sous Scratch. La réalisation du jeu a été faite en contreplaqué à partir de la réutilisation des graphismes de l’album et découpé au laser lors d’une séance au FabLab des Mines de Douai. Ce projet a permis aux lycéens d’analyser l’album, de le décomposer en étape pour permettre ensuite de reconstituer le déroulement de l’histoire sous forme d’un programme. Il les a obligés à se mettre au niveau de scolaire de primaire et à revoir leurs notiosn d’anatomie et surtout de travailler des concepts d’électricité avec la carte Makey Makey et la réalisation d’algorithmes. Ils ont rencontré la directrice et une animatrice de la Médiathèque à qui ils ont dû expliquer le fonctionnement de leurs outils de médiation. Pendant l’ouverture du Salon PolarLens aux scolaires lensois, ils iront les 9 et 10 mars faire les animateurs et pourront ainsi constater l’efficacité et l’intérêt de leurs outils de médiation. Là encore ce projet différent a décontenancé les lycéens dans un premier temps qui ont eu du mal à visualiser les réalisations finales. Le travail de programmation sous Scratch a montré les difficultés de compréhension tant de la transformation d’actions en algorithme que de découpage de l’histoire en étape.

Ces premiers projets du µFabLab en construction montrent à la fois l’intérêt et les limites pédagogiques de l’utilisation de ces structures. Il s’agit de projets qui ont besoin d’un temps long pour se développer lorsque l’on ne peut constater qu’une heure par semaine, ce qui donne un rythme haché et un temps de remise au travail trop important. Il n’est pas toujours aisé de trouver un support pour ce type de projet, même si l’AP le permet. Les élèves sont souvent surpris que l’on fasse appel à leur créativité et ont pour certains du mal à adhérer au projet. Au contraire d’autres élèves se révèlent et s’investissent dans un projet qui sort des exercices scolaires. Dans un contexte où une place vient d’être faite dans les programmes du primaire et du secondaire à la programmation et à la manipulation d’objets électroniques et connectés, il paraît intéressant de se saisir de ces nouveaux outils et de trouver des projets pédagogiques qui permettent d’allier des compétences scolaires avec la créativité et les compétences personnelles des élèves dans des réalisations concrètes. Affaire à suivre donc…